DEUX ÉPIGRAPHIES SYMBOLIQUES OU LA MARQUE
DE LA MAÇONNERIE
ET DE LALCHIMIE À MARSEILLE AU XVIIIe SIÈCLE
Etude sur le IHS
par Jean-Michel Mathonière
et Pierre Mollier
Dans le cadre
des recherches sur lhistoire urbaine de
Marseille, les fouilles qui ont été
conduites depuis plusieurs décennies dans
le quartier de la Bourse , un des plus anciens
de la ville, ont permis de mettre à jour
de nombreuses inscriptions lapidaires. La plupart
dentre elles sont des inscriptions funéraires.
Cependant, deux de ces pierres possèdent
un lien avec lésotérisme et
la franc-maçonnerie(1).
Nous les présentons aujourdhui à
nos lecteurs, assorties dun premier commentaire.
Mais cet article est aussi un appel à contributions,
à la fois sur lanalyse de ces deux
pierres et sur lexistence dautres
pierres de ce type.
Lune des difficultés de lanalyse
pour les archéologues est que lon
ne connaît pas lemplacement initial
de ces pierres et lensemble architectural
dans lequel elles sinscrivaient. Lorsquelles
ont été découvertes, le quartier
avait déjà connu de nombreuses restructurations
et les travaux successifs avaient disjoint ces
pièces des constructions auxquelles elles
appartenaient. Ce sont donc des pièces
isolées quil faut tenter de resituer.
Au vu du contenu de son inscription, lune
de ces deux pierres nest autre que la «
première pierre » ou la « pierre
fondamentale » dune maison. On y lit
en effet :
/ANNO DOMINI MDCCXLVII
REGN. LUDOVICO XV. GALL
REGE.
PRIMUM SUAE DOMUS AEDIFI
DIRIGENTE KAPELER ARCHIT
F? M. LAPIDEM POSUIT
J.J.P. LINOSSIER F? M ????
(niveau de maçon, IHS, équerre de
tailleur de pierre)
ce que lon peut transcrire par : «
Lan du seigneur 1747, régnant Louis
XV roi de France , J.J.P. Linossier a posé
la première pierre de sa maison édifiée
sous la direction de Kapeler architecte »
, nonobstant les hiéroglyphes dont nous
traiterons ensuite. |
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Dalle
n° 91880 de linventaire, cliché
n° 43217. Cliché du Centre Camille
Jullian, Aix-en-Provence,reproduit avec laimable
autorisation de M. H. Treziny. |
Les historiens
de Marseille nous apprennent qua effectivement
vécu à Marseille autour de 1740
un Jean-Jacques Pascal Linossier,époux
dAnne-Gabrielle Bouis et fils de Jacques
Linossier et dAnne Bernardy, lesquels sétaient
mariés à La Major le 1er décembre
1714.
Un élément semble en particulier
rattacher cette inscription à la franc-maçonnerie,
lalphabet crypté utilisé dans
le dernier mot de la dernière ligne : «
Linossier F? M? ? ? ? ». Les quatre derniers
caractères peuvent se lire « [ M
]açon » si lon prend comme
clef lalphabet « ch i f f r é
» utilisé par les francs - maçons
et attesté dès les années
1740.
On le trouve notamment « révélé
» dans la divulgation LOrdre des francs-maçons
trahi, publié en 1745. |
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Le
chiffre des francs-maçons,daprès
LOrdre des francs-maçons trahi
et le secret des Mopses révélé,
1745. |
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La marque
de la Maçonnerie et de lAlchimie
à Marseille au XVIIIe siècle
Quant au motif du triangle appuyé sur
un arc de cercle, qui sert ici de signe abréviatif
à F[ranc ] , on le trouve sous des formes
diverses dans liconographie maçonnique
du XVIIIe siècle, notamment comme attribut
des versions anciennes des premiers hauts-grades
comme le Maître Parfait ou le Maître
Écossais.
Le nom de larchitecte, Kapeler, amène
lui aussi sur la piste maçonnique. En
effet, un certificat émanant de la loge
Saint-Férréol de Marseille(2),
daté du 2 août 1750, compte parmi
ses signataires un « Kapeller, G. Me. [ grand maître] des Chevaliers
de lorient - Général »(3).
Le Chevalier de lOrient était dans
les années 1750 le plus haut grade de
nombreuses loges. Cétait notamment
le sommet de la pyramide maçonnique à
Marseille. « Général »
est le titre attribué par le rituel du
grade à lun des principaux officiers
dun Conseil de Chevalier dOrient.
Le Kapeller de linscription est donc très
probablement :
« Jean-Joseph Kapeller (Marseille 1702-29
novembre 1790), [connu surtout comme] lun
des fondateurs de lAcadémie de
peinture et de sculpture de Marseille en 1753.
Il y enseigna le dessin et la géométrie
et en est secrétaire perpétuel
de 1756 à 1787. Sa principale oeuvre,
L embarquement des munitions pour lexpédition
de Minorque (1756) est au Musée des Beaux
- Arts . L Hôtel - Dieu lui confie
en 1759 lexécution des portraits
de ses bienfaiteurs . Il peint des « paysages
en tapisserie » toiles peintes décorant
les murs des bastides , et , à fresque
, une Crucifixion pour l église
de Lambesc . Il est aussi architecte , dessine
le catafalque pour le service à la mémoire
du Duc de Villars à la Major en 1770
et les deux arcs de Triomphe édifiés
en 1777 lors du passage à Marseille de
Monsieur (le futur Louis XVIII). »(4)
Voilà
pour ce qui est de linterprétation
strictement documentaire de cette pierre de
fondation. Cependant, il reste à souligner
quelle relance quelque peu la problématique
de la rencontre en France, durant les toutes
premières décennies de lOrdre,
entre Maçonnerie opérative et
Franc-maçonnerie spéculative.
L on sait combien ce sujet fait lobjet
dune méfiance exacerbée,
voire dun rejet pur et simple, de la part
de lhistoire maçonnique sérieuse,
du fait des confusions et des approximations
entretenues par une certaine littérature
maçonnique. Les recherches récentes
sur les compagnonnages en France montrent bien
quil convient de ne pas les confondre
avec la Franc - maçonnerie. Mais dans
le même temps, ces recherches montrent
également que, dune part, quelques
rencontres individuelles ont pu se produire
dès le XVIIIe siècle, et, dautre
part, quil ne faut pas envisager ces «
opératifs » comme strictement cloîtrés
dans leur statut douvriers.
La qualité darchitecte de Kapeller
et les symboles présents sur cette inscription
obligent effectivement à envisager la
piste compagnonnique. En effet, si le niveau
et léquerre appartiennent à
une symbolique trop générale pour
être caractéristique à elle
seule de telle ou telle organisation, la présence
centrale du monogramme IHS surmonté de
la croix , rarement employé dans lemblématique
maçonnique, semble nettement renvoyer
au Saint - Devoir des compagnons tailleurs de
pierre(5). Il convient à cet égard de souligner
que Marseille était ville de Devoir (6) pour les
Compagnons Passants tailleurs de pierre et quelle
était également importante pour
la famille rivale de ceux-ci, celle des Compagnons
Étrangers. Cette importance ne résulte
pas seulement de la richesse économique
de la cité, apte à fournir en
abondance du travail aux tailleurs de pierre,
mais aussi du légendaire compagnonnique,
puisque cest à Marseille quaurait
débarqué Maître Jacques,
le fondateur des Compagnons Passants tailleurs
de pierre, à son retour du chantier du
temple de Salomon.
Le fait quun architecte puisse se rattacher
au Compagnonnage ne présente aucune difficulté
dans le contexte de lépoque et
cela est attesté pour plusieurs dentre
eux. En effet, à cette date et notamment
hors Paris, la formation par le biais des académies
darchitecture ne l emporte pas encore
sur la formation sur le chantier. On citera
par exemple le cas de Pierre Cailleteau (
1724), dit « LAssurance »,
ancien dessinateur de Mansart et de Cotte ,
architecte de nombreuses parties de Versailles
et dun très grand nombre dédifices
parisiens, et dont le fils, Jean ( 1755),
lui aussi architecte renommé et membre
de lAcadémie dArchitecture,
fut anobli par Louis XV sous ce nom de Compagnon:
de LAssurance (7).
Rien nempêche donc denvisager
que larchitecte et franc-maçon
Kapeler fût également Compagnon
tailleur de pierre, ce qui expliquerait la présence
de lIHS.
Pour ce qui est
de lautre pierre, trouvée dans
la tour nord , sa datation (1716) écarte
en principe la possibilité quelle
puisse se référer à la
Franc-maçonnerie spéculative.
Linscription du phylactère, «C
.IDERFIEM. SIVOLA .» , doit bien sûr
être lu à rebours : « à
Louis Meifredi C. ». Les archives généalogiques
marseillaises connaissent effectivement un Louis
Meyfredy, époux dElisabeth Tricon
, de qui naîtra Jean-Baptiste, qui épouse
à Saint-Martin, le 8 octobre 1715, Marguerite
Hyvert . Par ailleurs, le 17 décembre
1721, lintendance sanitaire achète
à Louis Meyfredi une portion de terrain
dans le quartier Saint-Martin dArenc pour
y établir les infirmeries (Méry-Guindon,
t. 6, p. CXIX)(8).
La présence dans le coeur des hiéroglyphes
astrologico-alchimiques des planètes/métaux
et de symboles purement alchimiques, amène
immédiatement à envisager cette
inscription sous langle de lhermétisme
chrétien et de lalchimie.
Pour ce qui est de la perspective astrologique
, Louis Charbonneau-Lassay a notamment consacré
une étude à un petit bas-relief
de marbre noir, datant selon lui dentre
1550 et 1575, provenant dun monastère
chartreux autrefois situé à Saint-Denis
dOrques (Sarthe) . |
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Pièce
n° 043217-218 de linventaire, cliché
du Centre Camille Jullian,Aix-en-Provence, reproduit
avec laimable autorisation de M. H. Treziny. |
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Le coeur central,
percé dune plaie et rayonnant, est
sans conteste celui du Christ. Deux cercles lentourent,
lun avec les sept signes planétaires
plus la croix, lautre avec les douze signes
zodiacaux. Dans son analyse, concernant le caractère
orthodoxe du point de vue catholique de ce voisinage
inhabituel, Charbonneau - Lassay cite deux gravures
du tout début du XVIIIe siècle (lune
est précisément datée de
1708) qui, conformément à la tradition
chrétienne relative au Zodiaque (le «
porte - vie » ) , envisagent le Sacré-Coeur
comme formant par excellence le centre de lunivers(9). Le culte du Sacré-Coeur ayant
connu une impulsion décisive à la
fin du XVIIe siècle, puis en 1720-1721
avec la peste de Marseille, il nest rien
détonnant den trouver un témoignage.
Notons cependant que son emploi ici, à
Marseille, précède le développement
du culte liturgique. |
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Gravure
de L. Charbonneau- Lassay reproduisant le marbre
astronomique de Saint-Denis d'Orques .
(Etudes de symbolique chrétienne, T. I
, p. 1 8 8 ) |
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Mais le fait que,
dans le cas présent, les hiéroglyphes
astrologiques soient à lintérieur
du coeur et quils soient accompagnés
dautres symboles, oblige à plutôt
envisager un sens strictement alchimique, même
si le coeur est surmonté de la croix et
affirme ainsi lintention chrétienne
qui présida à cette figuration.
Au centre de la composition, le triangle inversé
surmontant une croix est en effet le symbole alchimique
classique du soufre, compère obligé
du mercure dont le hiéroglyphe, commun
à lastrologie et à lalchimie,
se trouve justement immédiatement à
main droite. De fait, le hiéroglyphe à
main gauche, un carré dont le centre est
pointé, est celui du sel, troisième
terme de la trinité alchimique fondamentale.
La bande horizontale regroupant ces trois symboles
la « f asce » en termes dhéraldique,
le contraire du « pal », instrument
de torture et la composition densemble
permettent sans aucun doute de mettre en rapport
cette figuration avec de nombreuses figurations
classiques de lathanor ou de loeuf
philosophal, cest-à-dire du fourneau
ou du vase des alchimistes. Les trois étoiles
qui occupent la partie supérieure du cercle
forment alors le symbole des influences célestes
(astrologiques), tandis que les hiéroglyphes
du soleil et de la lune désignent ici plutôt
lor et largent (les planètes
inférieures, en termes alchimiques) que
les deux luminaires (les planètes supérieures).
Quant à loiseau portant en son bec
un rameau végétal, cest aussi
un lieu commun de lemblématique alchimique
celui du « volatile »
qui désigne lopération alchimique
fondamentale de la « voie humide »
destinée à produire , comme le règne
végétal (le rameau) , une fructification
: solve et coagula, la dissolution et la coagulation,
lesquelles, partant de la noirceur de la putréfaction
(le corbeau, loeuvre au noir) doivent par
multiples réitérations, avant de
parvenir à la rubification (le phénix,
la pierre philosophale dont le sacrifice par la
projection dans le plomb produit lor des
Sages ), transiter par la blancheur ou purification
(la colombe ou le cygne, signe avant-coureur de
la verdeur puis de la réussite espérée).
Toute cette emblématique est caractéristique
des traités dalchimie du XVIIe siècle
. Nous reproduirons ici à titre dexemple
une figure extraite dun des classiques du
genre, Azoth, ou le moyen de faire lOr caché
des Philosophes, de Basile Valentin, daprès
lédition de Paris, 1659.
Le lecteur y retrouvera la plus grande partie
des symboles présents sur la pierre de
Louis Meifredi. |
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Gravure
extraite dAzoth
, p. 1 7 9 .
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Le
Rebis .Gravure extraite dAzoth
, p. 1 5 7 .
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De fait, au vu
de tous ces éléments , il est probable
que la pierre étudiée ici est, elle-aussi,
une pierre de fondation. Si Louis Meifredi entendait
peut-être placer sa demeure sous la protection
du Sacré-Coeur, il avait surtout présent
à lesprit le sens alchimique et assimilait
certainement cette pierre de fondation au symbole
de la pierre philosophale, selon le célèbre
dicton alchimique que résume lacrostiche
VITRIOL, justement présent sur la gravure
du traité de Basile Valentin :
Visita Interiora Terræ, Rectificando, Invenies
Occultum Lapidem, cest-à-dire «
Visite lintérieur de la terre, rectifie
et tu trouveras la pierre cachée »
pierre cachée qui est ici représentée
sous la forme dune pierre cubique.
L on voit mal en effet à quoi aurait
pu servir semblable inscription sinon à
former un dépôt sacralisé
de fondation, à moins denvisager
que son dédicataire lait faite réaliser
à seule fin de meubler son cabinet de curiosités
hermétiques ou son laboratoire alchimique
Mais il serait alors étonnant de lavoir
finalement retrouvée dans les fouilles
des soubassements du quartier de la Bourse. |
|
1. Nous remercions
très sincèrement Monsieur Régis
Bertrand, professeur dhistoire moderne à
lUniversité de Provence de nous avoir
soumis ces cas particulièrement intéressants,
ainsi que les éléments biographiques
des personnages évoqués.
2. Conservé aujourdhui dans le fonds
maçonnique de la BnF sous la cote FM5 11.
Jean-Marie Mercier nous signale que cette
magnifique pièce est reproduite en p.83 de
l ouvrage de Paul Naudon, Histoire générale
de la Franc-maçonnerie, Office du Livre,
deuxième édition, s.l., 1987.
3. L attention des chercheurs a été
attirée sur ce document par larticle
dAlain Merger, « Le marteau
et le maillet, études sur les débuts
de la Franc-maçonnerie à Marseille
et à Aix jusquen 1751 et la réaction
de Monseigneur Belsunce»,in Provence historique,
T. XXVIII fasc. 111, 1978.
4. Dictionnaire des Marseillais, Académie
de Marseille , diffusion Edisud, notice établie
par R. Bertrand.
5. Sur limportance et la signification du
monogramme IHS dans lemblématique des
Compagnons tailleurs de pierre, c f .Jean -
Michel Mathonière, « Iconographie et
symbolique du blason des Compagnons Passants tailleurs
de pierre»,in R.T. n°122
( av r i l 2 0 0 0 ) , p p . 7 4 - 9 9 , étude
reprise et légèrement complétée
dans Le Serpent compatissant, éd.La Nef de
Salomon, Dieu le fit ,2 0 0 1 ,p p . 43-79 et 106-117
(notes).
On notera cependant quun grade maçonnique
très ancien, le Maître Irlandais
le futur Prévost et Juge du R\E\A\A\
présente aussi un IHS sur son tableau,mais
une branche dacacia décore alors la
barre horizontale du H.
6. Un Rôle de Marseille, datant de 1777, est
toujours conservé par les Honnêtes
Compagnons Passants tailleurs de pierre.
7. Sur les biographies de Pierre et de Jean Cailleteau,c
f . Michel Gallet, Les architectes parisiens du
XVIIIe siècle, éd.Mengès, Paris,1995,
pp. 279-284.
8. L .Méry, F. G u i n d o n , Histoire analytique
et chronologique des actes et délibérations
du corps et du conseil de la municipalité
de Marseille, Marseille, t. 6, 1843, p. 6. Renseignements
aimablement communiqués par M. R. Bertrand.
9. Louis Charbonneau-Lassay, Études de symbolique
chrétienne, éd. Gutenberg Reprints,
Paris, 1981, volume I, pp. 186-199. |
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Ces
signes IHS proviennent d'une église de
la région de rennes les bains et Rennes
le Château. Pour des raisons évidentes
nous ne la citerons pas. |
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Je tiens a remercier
tout particulièrement les éditions traditionnelles
pour leur aimable autorisation à utiliser et
publier ce sujet.
http://www.renaissance-traditionnelle.org
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LA
FRANC-MAÇONNERIE ET L'ENIGME DE RENNES.
FICTION OU REALITE ?
Un spécialiste
de histoire de la Franc-Maçonnerie nous démontre
ici l'impossibilité de l'appartenance de l'abbé
Saunière à cette société initiatique.
Il faudra donc désormais que les auteurs qui, à
la suite de Gérard de Sède, soutenaient cette thèse,
sans fondement, tiennent compte impérativement de cet
article.
A de nombreuses reprises,
dans les différents ouvrages publiés - avec plus
ou moins de bonheur - sur la passionnante énigme de Rennes-le-Château,
l'on a vu apparaître le nom de la Franc-Maçonnerie...
ou plus exactement, il a été fait mention de plusieurs
éléments se rattachant à cette Société
initiatique.
Force nous a été de constater que nos bons auteurs
non seulement n'ont pas puisé aux meilleures sources,
mais encore se font de la Maçonnerie et de l'histoire
maçonnique une bien curieuse idée, ce qui,
dans cette affaire, ne peut que déboucher sur des erreurs,
des affabulations , et des confusions attirant les chercheurs
vers de fausses pistes.
Dans le cadre de cet article, il nous a fallu opérer un
choix.
En effet, il n'était pas possible d'examiner en détail
tous les points d'histoire et de symbolique maçonnique
que nous avons relevé au cours de nos lectures : une livraison
complète des «Cahiers de Rennes- le-Château
» n'y suffirait pas.
Nous avons choisi le dernier livre de Gérard de Sède
«Rennes-le-Château, le dossier, les impostures,
les phantasmes, les hypothèses » édité
chez Robert Laffont, en avril 1988.
Pourquoi ce choix ? Simplement parce que Gérard de
Sède reste, qu'on le veuille ou non, le « guide
» en la matière, la plupart de ses épigones
reprenant, sans les contrôler, ses affirmations. Ensuite
son dernier ouvrage se veut le plus achevé sur le sujet,
l'auteur n'y affirme-t-il pas qu'il « reprend la parole
pour remettre un peu de clarté dans des événements
qui ont été embrouillés comme à plaisir
» ? Le malheur est que loin d'affiner son oeuvre, Gérard
de Sède reprend, sans sourciller, les erreurs grossières
qui se trouvent notamment dans « Le vrai dossier de
l'énigme de Rennes, réponse à M.
Descadeillas » publié en 1973 aux éditions
de L'octogone, ainsi que dans « Signé Rose+
Croix » publié en 1977 aux éditions
Plon. Tout cela laisse une désagréable impression
d'ouvrage bâclé, écrit à la hâte
contrairement à ce que dit l'auteur qui veut nous faire
croire que sa dernière production est le fruit de vingt
ans de réflexions et de nouvelles recherches. Disons-le
tout net : nous avons été très déçu
à sa lecture car non seulement il n'apporte rien de nouveau,
non seulement, il nous présente une hypothèse plus
invraisemblable que tout ce qui a été écrit
jusqu'à présent mais encore Gérard de
Sède ne s'est pas donné la peine de vérifier
ce qu'il a écrit il y a environ quinze ans, preuve d'une
incohérence manifeste et d'un manque de méthode
flagrant. Il est évident qu'une réelle connaissance
de l'histoire maçonnique ne lui aurait pas permis d'asseoir
ses assertions concernant une énigme « occultiste
» à Rennes qui prend le relais de l'énigme
trésoraire plus difficile à développer,
car les élucubrations se vérifient sur le terrain...
et quand on n'a jamais rien trouvé de concret sur le terrain
- nous insistons sur ce point - il est plus facile de se lancer
sur des pistes plus « subtiles » totalement invérifiables.
Ce prologue terminé, nous avons divisé notre travail
en trois parties par ailleurs de longueurs inégales :
1 - L'histoire maçonnique
vue par Gérard de Sède.
2 - De quelques points
de symbolique maçonnique.
3 - De l'appartenance
maçonnique supposée de Bérenger Saunière
et d'Ernest Cros.
Une dernière précision
: pour ne pas alourdir nos propos nous avons voulu nous limiter
à la Franc-Maçonnerie stricto sensu et laisser
de côté les sociétés secrètes
occultistes citées par de Sède. Nous y reviendrons
éventuellernent dans un prochain article.
1 - L'histoire maçonnique
vue par Gérard de Sède.
C'est dans la troisième
et dernière partie de « Rennes-le-Château,
le dossier...» que notre auteur fait intervenir la Franc-maçonnerie
qualifiée d'écossaise. A la page 193, il mentionne
le nom du chevalier Ramsay : fort bien, sachons cependant que
s'il est né à Ayr en Ecosse en
1686, on ne peut le qualifier de « franc-maçon
venu d'Ecosse » car outre que cela prête à
confusion, le chevalier Ramsay a passé plus de
temps en France que dans son pays qu'il a quitté en 1708.
D'autre part, la date de son initiation reste un problème.
Nous avons une trace de sa réception comme franc-maçon,
en mars 1730 à la loge « Horn
» de Londres, loge dont le duc de Richmond fut le
vénérable. Toutefois il est étonnant de
trouver des références plus ou moins explicites
aux « mystères » de l'Ordre avant cette date,
surtout dans un ouvrage paru en 1727 intitulé «
Les voyages de Cyrus ». Il n'est pas interdit
de supposer que Ramsay initié antérieurement
- où ? mystère - a rendu visite à une loge
anglaise de rite moderne pratiquant la maçonnerie du pasteur
Anderson.
Cette approche nous semble plus logique qu'un Ramsay franc-maçon
écossais débarquant de sa lointaine Ecosse
pour apporter la lumière « authentique » aux
frères français qui n'attendaient que lui.
Voilà qui nous amène à évoquer son
fameux « Discours » dont la première version
a été présenté le 26 décembre
1736 en la loge Saint-Thomas à Paris
et la version définitive au mois de mars 1737. Peut-on
parler d'un programme de réformes de la Franc-Maçonnerie
française comme l'écrit Gérard de
Sède ? Tout au plus des idées personnelles
que Ramsay voulait insuffler au sein de l'Ordre maçonnique.
Il n'y a pas de propositions précises dans ce texte, contrairement
à un programme au sens que ce mot a de nos jours. Ramsay
se contente de considérations morales, pour lui, l'Ordre
doit reposer sur quatre piliers: l'Humanité, la Morale
pure, le Secret et les Arts libéraux. On a surtout retenu
de son texte la référence à « nos
ancêtres les croisés ... » qui, bien entendu,
ne repose sur aucun élément historique. Plus important
est la pensée qui est sous-jacente, pour ce disciple de
Fénelon, pour cet homme du parti dévot, un seul
but compte : « Rendre l'athée déiste;
le déiste chrétien; et le chrétien catholique».
Enfin, pas plus le Rite Ecossais Rectifié codifié
en 1778 et 1782, que le Rite Ecossais Ancien et Accepté,
dont la dénomination est postérieure à 1800
(on peut fixer sa genèse vers 1760) ne doivent quoique
ce soit à Ramsay mort en 1743... Gérard de Sède
prendrait-il ses lecteurs pour des ignares ?
Continuons notre examen, toujours aux pages 193 et 194 qui offrent
la particularité de condenser en quelques lignes un grand
nombre d'inexactitudes concernant le Rite Ecossais Rectifié.
Où Gérard
de Sède a-t-il vu que Saint-Martin, évêque
de Tours était le « patron » du grade
de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte,
au sein du Rite Ecossais Rectifié ? Ce grade n'était
pas « anciennement celui d'Écossais Rectifié
de Saint-Martin »; de Sède mélange
tout : il y eut à Metz, dans les années
1770 un grade suprême était bien celui d'Écossais
Rectifié de Saint Martin qui n'a strictement rien
à voir avec celui de Chevalier Bienfaisant de la Cité
Sainte. La confusion vient du fait qu'il y eut aussi un grade
de Chevalier de la Cité Sainte au sein de ce chapitre
de Metz, mais il est capital de comprendre qu'en l'occurrence,
la Cité Sainte dont il était question était
Rome, alors qu'au sein du Rite Ecossais Rectifié,
il s'agit de Jérusalem, ce qui n'est pas du tout la même
chose...
De toute façon ce système régional n'a eu
aucune influence sur la création du Rite Rectifié;
on ne peut tirer des conclusions du fait d'une similitude de
termes dans les différents régimes maçonniques
de cette époque pour y voir une liaison étroite
entre les deux rites évoqués plus haut.
Cependant comme une erreur n'arrive jamais seule, Gérard
de Sède s'enferre un peu plus à la page 194 en
écrivant une contre vérité que l'on a honte
à rapporter.
Où a-t-il lu que le convent des Gaules qui s'est tenu
en 1778 à Lyon avait été convoqué
à l'initiative d'Alexandre Lenoir ? Ce personnage
(1761 - 1829) qui sera le futur administrateur du Musée
des Monuments français n'a peut-être jamais appartenu
à la Maçonnerie, ou alors seulement sous l'Empire
et encore au sein du Rite Ecossais Philosophique qui,
on s'en doute, n'a rien à voir avec le Rite Ecossais Rectifié.
Là aussi Gérard de Sède ne résiste
pas à la tentation de procéder à des rapprochements
fallacieux pour les besoins de sa thèse.
Le convent des Gaules a été tenu à l'initiative
de la Loge de Lyon « La Bienfaisance » en
novembre 1778; il s'agissait de promouvoir une réforme
de la Stricte Observance Templière, régime
maçonnique allemand, afin d'y instiller les théories
de Martinez de Pasqually dont les frères lyonnais
étaient les émules. Nous nous demandons vraiment
comment Gérard de Sède a pu présenter à
ses lecteurs une pareille fable...
De plus, Gérard de Sède affirme que Paul-Urbain
de Fleury fut le vénérable de la loge
des « Enfants de la Gloire des Commandeurs du Temple
» à Limoux et qu'il était Chevalier
Bienfaisant de la Cité Sainte. Nous n'avons pu vérifier
si ce Fleury a figuré sur le « Tableau » de
cette loge; ce dont nous sommes assurés par contre est
que cette loge n'appartenait pas au Rite Ecossais Rectifié
: elle a été fondée le 26 novembre 1772
par la « Parfaite Vérité des Commandeurs
du Temple » à l'Orient de Carcassonne
et donc pratiquait le Rite Français en vigueur l'existence
de cette loge est utilisée par de Sède pour étayer
sa théorie. Le malheur est que la région n'a jamais
connu de loge du Rite Ecossais Rectifié, la plus près
se trouvant à Montpellier. Par contre il y eut
des loges à Espéraza (« La
Vraie Sagesse » fondée en 1767) et à
Quillan (« La Sincère Amitié »
fondée en 1784), mais, nous insistons, sans aucun
rapport avec la Maçonnerie « ésotérique
» des loges rectifiées.
Enfin, nous connaissons les noms des détenteurs du grade
de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte en 1778 au
milieu du XIXème siècle : aucun Paul-Urbain
de Fleury n'y a jamais figuré...
Continuons notre pêche
aux erreurs; nous apprenons à la page 198 que le baron
de Hund, fondateur de la Stricte Observance Templière
était un conseiller intime des Habsbourg. La réalité
est différente : le baron de Hund a refusé
au contraire en 1769 de se rendre à Vienne auprès
de l'Impératrice pour y remplir de hautes fonctions, ce
qui l'aurait contraint à ralentir ses activités
maçonniques. Ce qui a trompé de Sède, c'est
que de Hund a bien eu le titre de « conseiller d'État
» de l'Impératrice et aussi celui de « conseiller
intime de l'Empereur », mais sans jamais en remplir les
fonctions; on se demande par ailleurs où il aurait trouvé
le temps de les exercer...
A la page 203, on apprend non sans surprise que Martinez de
Pasqually avait été en garnison à Toulouse
! Le seul problème est que ce personnage n'a jamais été
militaire de sa vie. Là encore la confusion est regrettable,
de Sède a confondu Martinez et Louis-Claude de Saint-Martin
qui lui a été, au temps de sa jeunesse, officier
au régiment de Foix-Infanterie, mais à notre connaissance,
n'a pas tenu garnison à Toulouse.
A la page 204, il est fait mention du marquis de Chefdebien
comme fondateur de la société secrète
des Philadelphes. Il y a là aussi une erreur; ce n'était
pas une société secrète, mais un rite maçonnique
élaboré par le marquis de Chefdebien et par son
père le vicomte de Chefdebien d'Aigrefeuille dans
les années 1780. Dans l'histoire maçonnique on
le connait sous le nom de Rite Primitif ou de Rite des
Philadelphes de Narbonne.
Nous allons en rester là dans le domaine de l'histoire
maçonnique pour ne pas alourdir cet article et laissons
à d'autres chercheurs le soin de relever d'autres erreurs
que nous avons laissé volontairement de côté
(à propos des Rites de Memphis et de Misraïm,
à propos de « l'occultisme languedocien »,
etc...).
Notre but était de démontrer le peu de crédibilité
que l'on pouvait accorder à de Sède en ce domaine,
car une seule erreur ruine tout l'édifice et a fortiori
plusieurs erreurs enlèvent toute valeur à la théorie
de l'auteur de « L'Or de Rennes ».
2 - De quelques points
de symbolique maçonnique.
C'est l'église
de Rennes-le-Château qui constitue un morceau de
choix pour nos apprentis symbolistes parmi lesquels figure Gérard
de Sède. Celui-ci parle même de « l'église
revisitée ». Que faut-il en penser ?
« Avant d'entrer, écrit de Sède, le
tympan de l'église ne peut que nous intriguer : il a la
forme d'un triangle équilatéral au sein duquel
alternent des roses et des croix » (page 190). Or,
apprenons-nous « Triangle est, comme chacun sait, l'autre
nom d'une Loge ». Hélas pour de Sède,
il n'en est rien : un triangle, en maçonnerie,
désigne la réunion de trois maîtres maçons
qui ne sont pas en nombre suffisant pour former une loge, c'est
une solution provisoire qui permet de s'assembler de manière
informelle dans l'attente de la création d'une loge, c'est
donc le contraire de ce qu'a écrit Gérard de Sède.
En ce qui concerne la rose et la croix ou la rose-croix,
on ne peut pas dire que leurs présences constituent une
spécificité de l'église de Rennes, il suffit
d'avoir visité d'autres églises...
Le Chemin de Croix serait-il
porteur de symboles maçonniques d'une haute signification
spirituelle ? Qu'on en juge : à la huitième station
on voit une veuve et un enfant portant un vêtement écossais
de couleur bleue. Pour notre auteur, pas de problème,
les maçons, c'est bien connu, sont les enfants de la Veuve
et l'enfant représente un maçon écossais
initié aux grades bleus...
Mais justement la caractéristique des grades « écossais
» est de se positionner « au dessus »
de la maçonnerie bleue, il y a là non pas
qu'une erreur, mais une incohérence qui est risible.
L'expression « enfants de la Veuve » est d'origine
obscure et se prête à de multiples interprétations
sans que l'on puisse affirmer laquelle serait la plus correcte,
mais il n'est pas évident qu'elle ait un rapport privilégié
avec les grades écossais.
A la neuvième station, Gérard de Sède a
vu la présence d'un chevalier romain; fort bien et après
? Nous avons vu plus haut que nous ne pouvions savoir s'il s'agissait
de Saint-Martin, évêque de Tours,
et que de toute façon cela n'avait aucun rapport avec
le grade de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte
du Rite Ecossais Rectifié.
A la page 216 de son livre, Gérard de Sède considère
que l'église de Rennes est agencée comme un temple
maçonnique et n'hésite pas à faire le rapprochement
entre l'Orient maçonnique et l'autel de prêtre,
entre la statue de Jésus et le premier surveillant au
Nord et entre la statue du Diable et le deuxième surveillant
au Sud.
Seulement apparaît un obstacle de taille : cette description
serait correcte pour une loge du Rite Ecossais Ancien Accepté,
mais elle ne l'est pas pour une loge du Rite Ecossais Rectifié.
Il faut savoir que dans ce rite, le Premier Surveillant est placé
au Sud et le Deuxième Surveillant au Nord ! * Voilà
une précision qui bouleverse la théorie de Gérard
de Sède, car il a voulu privilégier la présence
du Rite Rectifié qui lui semble plus « ésotérique
» que les autres; seulement la disposition de l'église
ne ressemble en rien à celle d'une loge du Rite Rectifié,
à moins de considérer qu'il y ait similitude entre
l'autel du prêtre et la place où se tient le
Vénérable Maître, mais c'est valable
pour toutes les églises et pour toutes les loges de tous
les rites
possibles et imaginables.
Enfin nous touchons
le fond à la page 217 lorsque nous lisons ceci : «
En revanche, répétons-le, son appartenance
(il s'agit de Saunière) a un chapitre rosicrucien
du Rite Ecossais Rectifié nous paraît une hypothèse
raisonnable.» Comment un auteur qui prétend
avoir passé presque vingt ans à préparer
son nouveau livre peut-il écrire une énormité
pareille ? Il faut savoir et c'est une de ses caractéristiques
essentielles, qu'il n'y a aucun grade rosicrucien au sein de
ce Rite ! C'est, sans doute, le seul Rite qui n'ait jamais utilisé
le légendaire rosicrucien dans son échelle
de grades.
Cette fois tout s'effondre,
car si l'église avait été calqué
sur une loge rectifiée, on peut être assuré
qu'il n'y aurait pas eu une seule rose-croix dans sa décoration,
d'autre part aucun emblème du Rite Rectifié ne
figure dans l'église, nous nous en sommes assurés.
Tout celà nous semble sans appel.
3 - De l'appartenance
maçonnique supposée de Bérenger Saunière et d'Ernest
Cros.
Avant toute chose, replaçons
les faits dans leur contexte. La période durant laquelle
se situe l'aventure de l'abbé Saunière est la moins
propice à l'éventualité d'une appartenance
de l'abbé à la Maçonnerie. Le Grand Orient
qui n'a plus de maçonnique que le nom (la situation est
la même de nos jours...) est devenu une machine de guerre
antireligieuse et sur le plan politique, le bras armé
de la gauche radicale et anticléricale. Comment
imaginer dans un pareil climat de haine contre l'église
un ecclésiastique entrer en maçonnerie ?
Nous connaissons les objections que l'on peut nous opposer. Certains
nous dirons que Saunière a été initié
au sein d'une loge d'un rite plus « restreint » ce
qui se faisait à l'époque, sans préciser
où. Il faut savoir qu'à la fin du siècle
dernier les possibilités étaient très limitées
- le Rite Rectifié de Willermoz n'existait plus
qu'en Suisse, les Rites de Memphis et de Misraïm,
pratiquement éteints et les cénacles maçonnico-occultistes
de Papus et consorts limités à Paris et Lyon
essentiellement. La Grande Loge de France, quant à
elle se situait alors sur le même plan que le Grand
Orient et n'avait aucune idée de ce que pouvait être
la vraie maçonnerie de tradition (on se demande si cet
état d'esprit a réellement changé depuis...).
Ayons en mémoire la situation géographique de la
paroisse de Rennes-le-Château : c'est le bout du
monde, pas la moindre loge « occultiste » à
l'horizon !
Nous attendons avec impatience qu'un chercheur nous apporte la
preuve de l'appartenance de Saunière à la maçonnerie
et ne se contente pas d'une vague affirmation comme le fait de
Sède qui, reconnaissons-le, tient cette information de
Jean Robin.
En ce qui concerne Ernest
Cros, la question est plus difficile à résoudre.
Tous les auteurs vont répétant que Cros était
franc-maçon, on cite même sa loge : « Les
Bons Enfants » sans dire de quel « Orient
».
Nous avons, il y a quelques années, rendu visite au regretté
abbé Mazières, à la maison de retraite
« Béthanie » à Carcassonne,
désireux de faire le point sur une question qui nous tenait
à coeur.
L'abbé Mazières nous a affirmé qu'il
tenait de Cros lui-même la confirmation de son appartenance
à la maçonnerie et nous l'a encore écrit
dans une lettre traitant du même sujet.
Nous avons mené de notre côté notre propre
enquête auprès des bibliothèques du Grand
Orient, de la Grande Loge, du Droit Humain
et de la Grande Loge Nationale Française. Il n'y
a jamais eu d'Ernest Cros franc-maçon, pas plus
qu'une loge nommée « Les Bons Enfants »
....
Sans porter atteinte à la mémoire de l'abbé
Mazières, il nous semble que celui-ci a du faire une
confusion avec un autre personnage, car il faut reconnaître
que ces faits étaient déjà très éloignés
dans le temps lorsque nous les avions évoqué avec
lui, à moins qu'effectivement toute trace de l'appartenance
maçonnique de Cros ait disparu suite aux destructions
de la dernière guerre, ce qui constitue une faible possibilité,
mais une possibilité quand même. Là aussi
nous attendons une information éventuelle, car celà
permettrait de retrouver la piste de la dalle de Coumesourde,
ne l'oublions pas.
En fin de compte et pour terminer cet article, nous regrettons
qu'un auteur de talent comme Gérard de Sède
puisse publier un tel ouvrage qui n'apporte rien de nouveau et
ne peut que contribuer à brouiller les pistes. Sa piste
n'en est pas une et plutôt que de se perdre dans des hypothèses
pseudo-intellectuelles, il ferait mieux de reprendre ses recherches
sur le terrain, car malgré ses affirmations, l'énigme
de Rennes reste d'abord une affaire trésoraire n'en déplaise
à tous ceux qui s'efforcent, depuis vingt ans, à
noyer le poisson.
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Les premières
confréries sont des assemblées de corps de métier
dont l'apogée se situe vers 1450. Ensuite ces anciennes
confréries disparaîtront au 16e siècle.
Avec la Contre-Réforme apparaissent les Confréries
dont nous nous occupons. Deux grands groupes sont à distinguer:
Celles du style confrérie du Rosaire ou les confréries
des métier, d'une part, et celles des Pénitents
blancs, noirs, bleus ou gris de l'autre.
Elles vont perdurer jusqu'à la Révolution, C'est
avant tout un phénomène du Sud de la France. Leur
origine est à rechercher en Italie, comme nous l'avons
vu, chez les Flagellants, confréries doloristes
et nomades. Elles seront reprises en main par l'Église
(cf Au nom de la Rose ndrl) et structurées avant
d'apparaître en Provence au 15e et dans le Languedoc après
les guerres de religion. En 1570, les Pénitents
blancs apparaissent à Toulouse, dans l'Aude,
en 1588 à Narbonne sous l'influence de l'archevêque
d'alors, De Joyeuse. Les dernières créations
auront lieux vers 1650, après on ne parle plus
que d'évolution des confréries.
A Limoux, En 1597 apparaissent les Pénitents
Blancs.
Il est à noter qu'il existait aussi des Pénitents
Bleus dont on n'a retrouvé aucune archive.
Nous sommes en 1597, dans l'Aude, dans un pays catholique environné
de Protestants. Ce qui explique que le premier des voeux exprimés
par les Confrères était la lutte contre les Réformés.
Ils organiseront,entre autre, l'enseignement des Pères
doctrinaires.
En quoi consistait cette confrérie ?
1 - Les statuts étaient vérifiés chaque
année par l'archevêque de Narbonne Ils devaient
être conformes à tous les
autres statuts des Pénitents Blancs.
2 - Le recrutement était codifié,nous le
verrons plus tard.
3 - Fonctionnement : Un prieur ou recteur - un secrétaire
- un trésorier plus un conseil des sages.
Grâce à cette structure rigide, on a pu conserver
le nom de toutes les personnes qui sont entrées, au
total 2200 noms jusqu'à la Révolution.
4 - Ils établissaient un calendrier liturgique différent
des autres pénitents : Les blancs étaient
dévoués
au Christ et à la Vierge, les bleus à sainte Marie-Madeleine,
les noirs étaient doloristes et les gris
faisaient des dévotions patronales, Les blancs de Limoux
accomplirent par exemple des voyages à
pied à Carcassonne et des pèlerinages à
Notre-Dame de Marceille.
5 - Les habits: Une toge appelée sac et une cagoule
afin d'uniformiser les conditions sociales.
Les Confréries se faisaient octroyer par le Pape des indulgences
et le droit d'en octroyer à leur tour.
Toutes les confréries étaient installées
dans des chapelles paroissiales ou conventuelles, sauf celles
des Pénitents qui gardent leur indépendance. C'est
là, semble-t-il, un point très important : ils
ont une chapelle indépendante. Celle des Pénitents
Blancs de Limoux était située dans l'actuel
hôtel Moderne et Pigeon. Celle des Pénitents
Bleus, dans la rue Toulzane (en face du tournant).
Au sujet de la composition du groupe: au 16e siècle :
30 à 40 personnes.Ce chiffre sera en augmentation
constante jusqu'à représenter 300 à 400
personnes au 18e siècle. Peu élitiste, le groupe
était militant catholique. Il s'agit d'une confrérie
urbaine dépassant les limites de Limoux. Monsieur Robion
nous explique ici pourquoi : on note l'importance de la représentation
de l'artisanat du textile parmi les Pénitents blancs -
30 % des imposables y sont représentés. Il n'y
avait pas de manufacture à Limoux (à l'inverse
de Carcassonne par exemple). La ville faisait travailler les
campagnes, ce qui explique le recrutement rural et l'ouverture
sociale progressive.
Il est néanmoins à souligner que la direction restera
bloquée jusqu'à la Révolution: elle est
composée de la Noblesse et de la haute bourgeoisie limouxine.
L'action des Pénitents Blancs de Limoux. Acquisition
et entretien de la chapelle ; solidarité du groupe ; prêt
d'argent ; assistance pour les décès ; Processions
; Très peu de réunions. Il est à noter que,
en fait, au I8e, cette société est devenue un groupe
de sociabilité. Elle sera dissoute comme toutes les autres
par la Révolution.
On a tenté de la recréer sous la Restauration,
mais elle disparaîtra définitivement avec l'arrivée
des Orléans, dans les années 1830 .
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FRANC-MACONNERIE DANS L'AUDE
Constitutions de loges
au XVIIIème siècle.
VILLE |
NOM DE LOGE |
DATE ET AUTORITE
DE CONSTITUTION |
EVENEMENTS MARQUANTS |
Narbonne |
Saint Jean |
Existence attestée
en 1749 et 1750 |
|
Montolieu |
Saint Jean de
la victoire
|
1760, la Parfaite
Union
de Toulouse |
Reconstitution 1762 par
la T...R...L... Ecossaise de l'Orient de Condom.
Un prêtre Jean Sicard vénérable.
Constitution accordée par le G.O en 1773. Elle prit rang
au 22 août 1773. |
Espéraza |
La vrai sagesse |
1767, La Prudence
de
Saint Paul de Fenouillet |
Fonctionnement de 1767
à 1773.
Interruption de 1773 à 1785.
1787 demande en reconstitution refusée par le G.O. |
Le Somail
(puis Castelnaudary) |
La Parfaite union
et
la Parfaite Vérité |
1769, la Parfaite
Vérité des
Commandeurs du Temple |
Transfert de la loge
à Castelnaudary en 1777.
Reconstitution refusée par le G.O. en 1780. |
Limoux |
Les Enfants de
la
Gloire |
1772, Parfaite
Vérité des
Commandeurs du Temple |
Demande en reconstitution
au G.O. en 1774, accordée après un premier refus.
Elle prit rang au 26 Novembre 1772.
Interruption à la Révolution, reprise en 1812. |
Narbonne |
La Parfaite Union |
1772, Grande Loge de
France. |
Reconstitué par
le G.O.
Interruption à la révolution. |
Narbonne
(puis Lézignan) |
Le triomphe de
la
Vertu |
1777, Grand Orient |
Troubles internes en
1780.
Transfert de la loge à Lézignan en 1784, reprise
en 1804. |
Narbonne |
La Parfaite Egalité |
1779, Grand Orient |
|
Narbonne |
Les Philadelphes |
1779 |
Fondateur le vicomte
de Chefdebien d'Armissan.
Première loge du Rit Primitif en France.
Affiliation accordée par le Directoire des rites en 1806. |
Castelnaudary |
Les Enfants de
l'union triomphante |
1780, Grand Orient |
Conflit avec la Constance
couronnée.
Travaux connus jusqu'en 1790.
Union des deux loges en 1805. |
Narbonne |
L'Amitié
à l'Épreuve |
1780, Grand Orient |
Interruption des travaux
en 1789.
Reprise en 1800.
La moitié de ses adhérents appartenaient au clergé
en 1781. |
Castelnaudary |
Les Enfants
réunis de la Parfaite Union |
1781 |
Constitution refusée
par le G.O. en 1782.
Demande renouvelée en 1784, réponse non connue. |
Castelnaudary |
La Constance couronnée |
1783 |
Constitution accordée
par le G.O en 1785. |
Quillan |
La Sincère
Amitié |
1784, Grand Orient |
|
Narbonne |
Chapitre de l'Amitié
à l'Épreuve |
1786, Grand
Chapitre Général |
|
Sigean |
Les Solitaires |
1786, Grand
Orient |
Travaux suspendus durant
la Révolution.
Reprise en 1812. |
retour haut de page
Nous avons en préparation
la fréquentation des loges par corporation et le travail
des ateliers.
E-Mail
:
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